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Portrait de Romain et Dani

Dani et Romain

Aujourd’hui, Claroquesi rencontre Romain et Dani, deux passionés de Parkour, qui se sont installés à Barcelone et nous expliquent pourquoi. Romain a 28 ans, il est français, a vécu en Suisse, en Suède, et il a parcouru le monde pendant 2 ans avant de se poser ici. Dani a 22 ans, il est suédois, il parle 5 langues, et déjà un beau parcours de professeur de Parkour en Suède et à Barcelone. Les deux amis se sont rencontrés il y a 10 ans en Suède justement, où ils se sont lancés ensemble dans cette pratique. Ils nous ont raconté tout ça dans leur café préféré de Gracia, La Ikas.

  • Quand êtes-vous arrivés à Barcelone?

    Romain : Je suis arrivé il y a à peu près 2 ans et demi, en plein mois d’août. C’était la première fois que je venais. J’ai adoré Barcelone, qui vibre d’une manière assez spéciale. Je suis ensuite parti travailler en Suède, et je suis revenu en septembre dernier.
    Dani : Moi je suis arrivé il y a presque 6 mois, en juin 2018.

  • Pourquoi Barcelone, qu’est-ce qui vous fait aimer cette ville ?

    R : J’ai beaucoup voyagé en tant que globe-trotter pendant 2 ans, et les deux endroits que j’ai le plus aimé c’était Tokyo et Barcelone. J’ai choisi Barcelone parce que je voyais Tokyo avec mon âme de voyageur, mais s’y installer n’est pas forcément si facile. Barcelone était plus près, c’était plus stratégique au niveau de la Suisse aussi. C’est comme ça que je suis arrivé dans cette ville, principalement parce que, comme j’ai dit, elle vibre d’une manière spéciale, elle a une « touche d’art ». Il y a beaucoup d’artistes qui se rencontrent ici, il y a de très bonnes choses au niveau de l’architecture, je trouve que c’est une ville qui inspire vraiment à créer.
    : Moi au début j’ai visité Barcelone 2 fois, une fois en été, et une autre fois pour le nouvel an. Après ça, en janvier, Romain était en Suède et il m’a dit « On peut aller à Barcelone pour le parkour ». J’ai dit « bah oui, pourquoi pas ! ». Du coup j’ai travaillé encore un peu en Suède pour me faire quelques économies puis je suis venu !

  • Et sinon, vous faites quoi dans la vie ? 

    : Je suis photographe professionnel. J’ai commencé la photo quand j’avais 15 ans, j’ai pris l’appareil de mon père, et je me suis lancé. Je n’ai pas fait d’école, j’ai tout appris moi-même : comment cadrer correctement et cetera. Je pense qu’en tant qu’artiste il faut avoir « la chose », puis la technique suit. J’ai  cherché, j’ai rencontré des photographes qui m’ont donné des tuyaux pour pouvoir développer mon activité, et je suis arrivé ici. Je dessine aussi, je chante, je sais à peu près tout faire à part peindre et la musique. J’aimerais composer mais j’y arrive pas. Parfois j’essaye et je me dis « Putain c’est nul ».
    : J’ai travaillé comme professeur de Parkour pendant 4 ans, et sinon j’apprends les langues aussi, j’aime bien. J’en parle presque 15.
    : 5. T’as dit 15. (note : Dani fait l’interview dans un français au top, alors que sa langue maternelle est le suédois)
    : Toutes les autres choses ça va, mais les numéros c’est vraiment difficile… Donc oui, je parle presque 5 langues. Suédois et anglais parfaitement, français et espagnol couramment, puis je sais parler un peu allemand. Aussi un peu de catalan, et j’apprends un peu d’hindi pour mon voyage en Inde en décembre.

  • Vous pouvez nous expliquer ce qu’est le Parkour ?

    : La manière la plus fréquente de décrire le Parkour, c’est que ce sont des mouvements pour surmonter des obstacles. La base du Parkour c’est d’aller d’un point A à un point B de la manière la plus efficace et rapide, en utilisant son corps.
    : C’est utiliser l’environnement à son avantage, au lieu qu’il nous pose des barrières. C’est une forme de vie, un peu comme quand on fait du dessin. Quand on marche dans la rue on a un peu cette sensation d’esquisse, tu vois tout avec des possibilités de parkour. Tout devient notre terrain de jeu.
    : Pour nous c’est un peu une forme de méditation, parce que quand on fait du parkour, on pense seulement à ça, le reste n’existe pas.

  • C’est quoi l’origine du Parkour ? 

    : Ça vient de la région parisienne, où il y a une énorme structure avec un lac qui s’appelle La Dame du Lac. Le français David Belle a commencé à faire du parkour là-bas, puis il a adapté la discipline à Paris. Ça date des années 80, mais le temps que ça se développe, ça a commencé à émerger plutôt dans les années 90. Au début des années 2000, ça a vraiment fait le buzz avec les vidéos sur internet puis le film Yamakasi en 2001.
    : Moi j’ai découvert ça plus tard, en 2007 avec une vidéo sur internet. Je ne savais pas du tout que ça s’appelait parkour, c’était juste une vidéo avec le titre « some crazy skills ». Je me suis dit « Ah mais c’est cool ça ». C’est deux plus tard que quelqu’un m’a vu en pleine pratique et m’a dit que je faisais du parkour.
    : Ça a donc commencé en France, avec David Belle, et aussi Sébastien Foucan qui est parti à Londres où il a développé la discipline. Il a ensuite créé le « free running », une variante du parkour qui remplace la recherche d’efficacité par la beauté du mouvement.
    : Les bases sont les mêmes, mais ils visent plutôt l’esthétique du mouvement.

  • La réaction des gens c’est souvent la peur de se blesser ?

    : Oui, mais le parkour ce n’est pas dangereux. La plupart des gens qui tombent se rattrapent très bien. Sur internet ils mettent des images choc pour faire le buzz, c’est tout.
    : La première chose qu’on fait dans le parkour c’est apprendre à tomber sans se blesser, c’est le plus important. On apprend à connaître ses limites.

  • Comment on appelle quelqu’un qui fait du parkour ?

    : Un traceur ou une traceuse. Mais en général on « fait du parkour », on n’utilise pas beaucoup le mot « traceur ».

  • Qu’est-ce que ça vous apporte ?

    : Dans le parkour, la première barrière à casser c’est la peur. Ça donne beaucoup de confiance, parce que tu le fais pour toi et pour personne d’autre. Ça fait grandir ta confiance en toi, tu découvres ta propre valeur. Il y a plein de choses pour lesquelles tu te dis « Je ne pourrais jamais le faire ». Et pourtant tu regardes le truc et tu calcules parfaitement comment le réaliser. Tu pressens les choses, tu sais ce que tu peux faire ou pas. Ça te permet de voir la vie plus claire. C’est un peu comme tous les sports, tu te sens plus vivant, plus alerte. Puis bon, quand tu fais un backflip tout le monde te respecte !
    : Oui, dans le parkour je sais si je peux le faire ou pas, je le sens. Ça m’aide à être dans le présent.

  • Quelle a été votre plus grande peur en parkour ?

    : Je crois que pour moi c’est la hauteur. Un backflip, la première fois tu te dis que tu peux pas, mais quand tu as la technique tu n’as plus peur, c’est comme un bouton *pop backflip*. Si je peux sauter et atterrir sans me blesser ça va, mais quand je saute très haut, là j’ai peur.
    : Je n’ai jamais eu très peur, mais c’est vrai qu’en arrêtant de pratiquer très régulièrement et avec l’âge aussi je sens la différence. Parfois je vois des sauts que j’ai fait, et que maintenant je n’arrive plus à faire. Si je dois dire ce qui m’a le plus frustré, c’est le 360 backflip sur place. Je sautais du sol. C’était le plus difficile que j’ai fait niveau technique, alors que j’ai fait un saut périlleux de 4 mètres entre deux toits, mais je n’avais pas peur.

  • Vous avez un shot d’adrénaline juste avant ou pas ? 

    : Non, c’est plus une concentration sur ce qu’on va faire. Si j’ai de l’adrénaline, je dois me calmer parce qu’il faut le faire de la bonne façon, il ne faut pas tomber, il faut garder le contrôle.
    : Non plus, mais j’aime la sensation d’après, quand j’ai réussi. C’est un moyen pour faire le vide dans sa tête, et il faut y aller avec le feeling, être ouvert.

  • Quel est le truc le plus fou que vous ayez fait, et est-ce qu’à chaque fois vous essayez de faire mieux ?

    : On avait instauré cette règle quand on allait s’entraîner tous les samedis, c’était de faire à chaque fois quelque chose qui nous faisait peur. Si on fait toujours la même chose, on ne progresse pas, on perd l’envie. Le truc le plus fou que j’ai fait, je crois que c’était le saut périlleux avant de 4 mètres.
    : Une fois j’ai sauté entre 2 bâtiments, à 20 mètres de hauteur, mais ce n’est plus très impressionnant pour moi maintenant, j’ai moins peur de la hauteur. Pour nous ce n’est plus fou de sauter, ou de faire un backflip, ce sont les mouvements les plus simples. Les plus difficiles ce sont les mouvements très techniques, par exemple les mouvements qui vont à l’encontre de là où ton corps te porte naturellement.

  • Vous avez une anecdote à partager ?

R & D : Pour l’anecdote, en Suède on enlevait nos pantalons (en caleçon hein), on le mettait sur la tête, on courait et on sautait. Les gens nous regardaient bizarre, et après, à partir du moment où tu fais un backflip, les gens sont là « ah ok, c’est bon, ils savent ce qu’ils font ». Tu peux faire n’importe quoi, s’il y a un backflip à la fin, tout le monde te respecte. Quand tu fais du parkour, tu te sens bien, t’as une sensation que la rue t’appartient. Au début, la première barrière à casser, c’est « les gens te regardent ». Quand t’as cassé cette barrière là, la confiance arrive et continue de grandir. Il y a vraiment un côté psychologique au parkour.

  • C’est quoi votre endroit préféré à Barcelone pour faire du parkour ?

    R & D : Villa Olimpica, et un autre petit spot à Llobregat. Les bunkers c’est super, mais il y a trop de monde maintenant.

  • On peut s’attendre à quoi pour le premier cours de Parkour ?

    D : On va commencer par apprendre à tomber, en sécurité.

  • Un conseil pour quelqu’un qui veut devenir traceur ?

         R : Dépasser ses limites !
         D : S’amuser !

Avec tout ça, on a bien envie d’organiser un événement Parkour, qui se lance avec nous ?

Propos recueillis par Léa et Mélissa